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traduction littéraire - Page 7

  • À Merlebecque

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    Un roman de Stefan Hertmans

     



    Hertmans0.pngPoète, romancier et essayiste,
    Stefan Hertmans n’est pas un inconnu pour le lecteur d’expression française. Le Castor Astral, Christian Bourgois, L’Instant même ou encore L’Arche ont publié quelques-unes de ses œuvres dans des traductions de Marnix Vincent, Danielle Losman et Monique Nagielkopf.

    Dans le texte qui suit, l’auteur nous présente lui-même, en français, l’un de ses romans non encore traduit, Naar Merelbeke. Nous faisons suivre son exposé de quelques chapitres de ce livre en traduction française.

     

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    Le roman Naar Merelbeke (À Merlebecque, Amsterdam, Meulenhoff, 1994) est conçu comme une petite recherche proustienne de la jeunesse flamande du protagoniste, mais c’est en même temps une parodie sur la tradition du roman flamand naturaliste, genre dans lequel un assez grand nombre d’auteurs essayent de garder l’authenticité des paysages et du monde d’antan qui ont disparus dans la modernité de la Flandre de la troisième révolution industrielle. La Belgique est un petit pays, cela veut dire que dans la Flandre qui a évoluée rapidement, on a sacrifié presque toute la campagne à des terrains industriels, des banlieues qui se répandent comme des taches d’huile. De ce fait, beaucoup de romanciers sont enclins à décrire le paysage de leurs aïeux et le monde perdu. J’ai essayé de déconstruire un peu cette attitude nostalgique, tout en ayant l’intention, bien entendu, de parler de ma jeunesse, mais pas d’une façon naturaliste : j’envisage plutôt ce thème par le biais de l’imagination et du burlesque. 

    Hertmans2.jpgParce que chaque acte de confession ou chaque tra- vail de mémoire en littérature est nécessaire- ment lié à la volonté de raconter une bonne his- toire, de faire une narration qui possède toujours une autre forme et une autre logique que la réalité, j’ai essayé de mentir ma propre vérité. Cela veut dire que Naar Merelbeke a comme sous-titre : Autobiographie d’un menteur.  

    Le jeune garçon découvre non seulement autour de lui les secrets des adultes, auxquels il ne comprend rien, mais il sent aussitôt que la seule possibilité de réellement entrer en concurrence avec eux, c’est de se doter d’un secret devant lequel les autres devront reculer. Ce petit martyr de l’imagination nous raconte son histoire avec conviction, et c’est exactement en cela que le lecteur est pris dans un enjeu de mensonge qui va le surprendre. 

    Le roman s’ouvre sur la rencontre dramatique entre ce garçon et Dieu, qui lui apparaît sous la forme d’un insecte l’amputant d’une jambe. Dès ce moment, notre garçon va passer sa jeunesse à claudiquer… il se sent élu et prêt à entrer en concurrence avec les adultes. 

    Naar Merelbeke est un titre presque intraduisible. Merelbeke, qui est une commune des environs de Gand – où je n’ai d’ailleurs pas vécu, à l’inverse de ce que bien des critiques ont pu croire (eux aussi sont naturalistes) –, est un composé de deux mots : le merle et le ruisseau (beek, cf. Bach en Allemand). Mon protagoniste entend souvent son grand-père dire qu’il doit se rendre à Merelbeke, et lui, qui prend encore la promesse du langage littéralement, rêve de Merelbeke où il s’attend à trouver des dizaines d’oiseaux chantants et un beau ruisseau ; bref, il s’attend a y trouver le paradis. Quand, après des mois d’attente, ses parents le conduisent enfin à Merelbeke par un beau dimanche, étonnés par l’insistance que montre leur fils à vouloir visiter une banlieue banale, sa déception est grande. Il lui faut apprendre que le langage nous promet des choses qui bien souvent ne se réalisent pas… 


    Hertmans12.pngEn plus, enfant flamand typique des années cin- quante et soixante, il vit dans un monde bilingue, parce que son oncle adoré, le mystérieux M. Doresta (patois gantois pour : Ecce Homo, le voilà – l’oncle est une sorte de travesti du Christ) habite à Tournai, cette ville, comme il dit, qui est fière de ses « cinq tours et quatre cents cloches », « cents » devant être en réalité compris comme « sans ». Quand par une belle journée de février, le garçon trouve que le beau temps de ces jours hivernaux se laisse décrire comme une « valse lente » (ce qui signifie en néerlandais « faux printemps »), son Oncle trouve son cahier et s’étonne du fait qu’un garçon comme lui ait du talent littéraire : n’écrit-il pas sur une valse lente ? De nouveau il apprend que son identité ne se situe pas dans l’identification, mais dans la différence. Je crois que sous cet aspect, Naar Merelbeke est vraiment un roman sur la vie d’un enfant belge néerlandophone et sur l’identité de frontière de tous les Flamands, ces gens qui parlent une langue germanique mais qui ont le cœur latin. Mais ce que j’ai essayé d’éviter, c’est d’écrire avec nostalgie sur les racines de mon personnage. Évidemment je n’ai pas pu me retenir de parler du paysage, des odeurs et des impressions de ma propre jeunesse. Mais c’est l’ironie dramatique qui domine ici, le roman étant aussi, entre parenthèses, un jeu avec, entre autres, Bouvard et Pécuchet de Flaubert.
     

    À la fin du roman – l’oncle flaubertien est mort et tout le monde est las des problèmes de notre petit martyr à la jambe amputée – le garçon se rend compte qu’il est temps pour lui de devenir adulte. C’est le moment où sa mère dit : tu as enfin renoncé à plier ta jambe droite comme si tu étais handicapé ?

    Stefan Hertmans

     

     

    Stefan Hermans, en français, sur les arts & la Flandre

     

     

     

    Comment une montagne peut se faire volcan

     

    Écrire, je l’avais toujours voulu, même si, au fond, j’ignorais ce que ce mot recouvre au juste, et même si je me suis adonné à l’écriture bien avant de prêter attention au fait que je m’y adonnais. Par moments, il m’était impossible de continuer à regarder les choses les plus simples de ce monde sans éprouver l’émoi le plus vif. Il me fallait alors aller m’asseoir dans le cagibi, parmi les bouteilles de coaltar et de térébenthine, l’odeur de charbon mouillé et de vieux chiffons. Que m’arrivait-il ? Un garçon et son chien blanc sur un terrain de foot désert, un champ de betteraves gelées sous des nuages gris blanc, un jardin et son poirier abattu ou encore le fourbi près de la cage à lapins – certains jours, c’est complètement désemparé que je m’éloignais de l’un ou l’autre de ces spectacles. Dans ce que je voyais, quelque chose me marquait au point de m’amener à penser que je n’allais pas y survivre. À croire que le monde, en se rendant visible sur ma rétine, me condamnait à disparaître puisque, à défaut de pouvoir imaginer qu’il existait tout bonnement, je préférais imaginer qu’il n’existait pas. À croire que ma conscience aurait préféré vivre sans ce monde et les sensations déroutantes qu’il génère, sensations qui ne cessaient néanmoins de la séduire, de l’attirer hors d’elle-même, de la dérouter, de la créer. Les choses les plus futiles, à cette époque, me mettaient dans un état de fébrilité sans pareil. Et comme j’étais incapable de circonscrire celui-ci, je n’avais sur lui aucune emprise. Plus tard, je devais lire de savantes interprétations sur la question – elles supposaient une rupture entre ma personne et les choses qui m’entourent, une rupture qui, d’après ce que je compris, ne s’était pas encore produite. Évoluant ainsi dans l’eau primale de mes rêves, j’entrepris de consigner ce qui réussissait à me décontenancer à un tel point. Quand je me relus après coup, je constatai que j’avais tout simplement décrit certaines choses. Plus aucune trace d’émoi, plus de force bouleversante, plus de lumière éblouissante, rien que des phrases insipides et banales. Apparemment, c’est dans l’acte même de l’écriture que la lumière s’était retranchée et non dans ce que j’aurais pu rendre visible en décrivant les choses ou les gens l’ayant suscitée. La lumière se retranchait dans mon regard ; mais ce regard s’éteignait, laissait place au banal, se coulait dans la perception des autres.

    « Après que l’Afrique eut percuté l’Europe et que la malachite des fonds marins se fut retrouvée sur le sommet des montagnes… » Une phrase de cette espèce, reprise tout simplement au texte d’un documentaire, me montra très vite l’inanité de mon entreprise : on ne m’avait pas attendu pour émettre de grands préceptes, je n’avais rien à y ajouter. Aussi, au bout d’un certain temps, je n’écrivis plus rien, ce qui me procura beaucoup de sérénité. J’avais l’impression d’avoir pris congé de moi pour de bon.

    Voilà d’ailleurs pourquoi j’allais souvent m’allonger au bord de l’eau pour regarder les nuages. Et quand l’émotion me submergeait, je laissais les choses se passer, allant m’asseoir, les yeux fermés, dans le cagibi où j’ânonnais mes déclinaisons latines. Ou apprenais mes leçons : 

    Chaque année, la Crète est poussée de dix centimètres vers le Sud ;

    les vases étaient d’une telle délicatesse qu’ils finissaient par se briser sous le poids des ornements ; 

    que s’est-il passé à Akrotiri au XVIe siècle avant J.-C. ? 

    Tous les Crétois sont des menteurs, a dit le Crétois ;

    Comment une montagne peut se faire volcan.

     

    (Naar Merelbeke, p. 21-22)

     

      

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    Douleur dans le ciel

     

    Ah ! ce qu’il faisait froid dans les polders ! ce que j’ai pu grelotter ! Longtemps avant de perdre ma jambe droite, j’avais éprouvé la sensation suivante : être privé subitement d’un bras ou d’une jambe. J’avais lu qu’en fait, on ne sent rien quand on se retrouve avec un membre gelé, car tout se passe comme si on était sous anesthésie locale. Voilà comment j’imaginais tous les marins ayant vécu une telle expérience au pôle : un crac sec… et ces sortes de lézards humains perdaient leur bras ou leur jambe. Dans un tintement, le machin tombait sur la glace : on avait là un nouvel homme, mutilé et plus léger que l’ancien, à l’écart de son bateau (s’activant, peut-être, à faire un trou dans la glace, espérant une pêche miraculeuse ; personne dans les parages, crier ne sert à rien et voilà que, la démarche pataude, le gros ours blanc s’approche).

     

    J’ai toujours eu un penchant pour les sauts-de-loup : l’hiver, quand le vent d’Est piquant devenait infernal, on pouvait se réfugier derrière le parapet de terre ; l’été, les sauts-de-loup asséchés étaient l’endroit le mieux approprié au monde pour dormir sous les odeurs de petits pois en fleurs, de bouses de vache, de terre en train de sécher, et d’un champ entier de jeunes blés.

    C’est principalement les dimanches que je recherchais cet abri, quand les paysans ne travaillaient pas et que rien ne bougeait dans la plaine si ce n’est les grandes formes dans le ciel – des formes plus capricieuses, plus grandes, plus prononcées que nulle part ailleurs au monde, mon grand-père me l’avait assuré et je l’avais cru. Ce n’est pas en regardant le ciel qu’il me l’avait prouvé, mais en me montrant des reproductions de peintures du XVIe siècle. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là – une fois que je l’eus vu sous la forme de reproductions – que le ciel prit à mes yeux cette dimension spectaculaire. La nature imitait ces tableaux, voilà pourquoi je la trouvais si fantastique. Dans les ciels d’hiver, je suivais le mouvement d’oies et de cygnes sauvages, j’entendais le cri des corneilles dans le silence de midi. Le monde était à l’arrêt, il ne tournait plus, rien ne m’empêchait d’en descendre et d’entrer dans le ciel pour m’y promener.

    Parfois, mon odorat m’annonçait, des heures à l’avance, une chute de neige. Le ciel s’adoucissait, à mon besoin de m’élever se substituait le désir d’être allongé tout contre la terre, le ventre sur une motte d’herbe et la tête dépassant du parapet. Parfois, il faisait tellement froid qu’on se retrouvait ankylosé d’un membre. Le froid me préparait à perdre ce que je n’aurais jamais cru devoir perdre. En de tels moments, j’avais l’impression de ressentir une douleur dans une partie de mon corps pourtant plus ou moins insensible ; douleur dans une partie fictive de mon corps ; autrement dit, douleur dans le ciel.

    C’est vrai, ce n’était en rien une enfance idéale pour faire de moi un bon homme d’affaires ni quoi que ce soit d’autre de bon. Pas étonnant que j’aie fini là où j’ai fini, et que rien de ce tout ce que j’ai pu entreprendre n’a jamais réussi. Au fond, rien ou presque de ce que j’ai pu rêver, l’été, allongé au bord de l’eau – par cette longue après-midi où un insecte jaune avait sauté sur ma chemisette – n’a abouti à quoi que ce soit.

    (Naar Merelbeke, p. 23-24)

     

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    Deux choses

     

    Quiconque a habité la plaine, au bord d’une rivière, sait ce qu’est une inondation.

    Slurp étouffé et noir, dans la nuit, créature informe qui s’approche en rampant, mouvement furtif qui se faufile, encerclement qui s’accompagne de mille précautions. La maison, peu à peu, se retrouve cernée, le chemin disparaît, la grille du jardin, imperceptiblement, se met à danser ; on entend couiner les gonds. Partout, dans la noirceur nocturne, un mouvement indistinct se répercute. On sait qu’on n’y échappera pas.

    Au village, tout le monde en parle ; l’eau bouge au bord de la rivière, longtemps après la tombée de la nuit. On entend encore des voix au loin, là où, la journée finie, le silence a régné des années durant. On a mis des sacs de sable devant les portes, les parents ne sont pas encore couchés. Tu es au lit, tu penses au jardin. Ta cabane est-elle encore sous le prunier ? L’eau recouvre déjà la route. Pour la voir, il te suffit de te lever et de te glisser sur la pointe des pieds jusqu’à la fenêtre. Tu prends autant de précautions que l’eau. Et elle a tout son temps.

    Là où j’habitais, les inondations ne prenaient jamais un tour dramatique. C’était un événement qui changeait une nuit normale en nuit de Noël. Quelque chose allait se produire, dont l’attente me ravissait et m’effrayait. Cette même eau que je voyais jour après jour dans le lit de la rivière en sortait tout à coup. On ne pouvait imaginer mariage plus exaltant entre menace et soulagement. Ce qui est interdit se produit parce que des forces inouïes en décident ainsi ; ça s’enfle et ça respire, ça avance de deux centimètres et ça clapote à chaque seconde, une loi incontournable se fait visible. L’eau court sur les choses à la manière de l’imagination qui l’emporte sur les haies, sur les clôtures, les rives. Ce qu’on a maintes fois vu en rêve, survient au même rythme que la respiration : le contour des choses tombe, la maison se fait bateau échoué, la moindre différence se trouve engloutie à travers une grande parabole. Oui, pour le traitement que nos yeux réservent au monde, l’inondation est la plus grande parabole que l’on puisse imaginer.

    Quand j’ouvrais la fenêtre, l’odeur de boue envahissait la chambre. Ce qui, en plein jour, n’était encore qu’un docile ruban d’eau mouvant parmi les prés s’était, avec le soir, transformé en une étendue mobile, une place qui partait du seuil pour se perdre parmi les saules, quelque part, au loin.

    Aucun choc, aucun à-coup ; c’était la douceur même, un peu comme de la neige, mais une neige noire et traître, son complémentaire. Un diable liquide et noir léchait les serres, les potagers, les noyers et le devant des maisons. D’innombrables doigts noirs se cramponnaient aux cailloux et aux racines, se refermaient sur les clôtures et les pieux, avant de former à leurs emplacements un tout lisse. On entendait les vaches meugler dans les étables, toutes sortes de murmures, des bruits de fuite, de choses qui glissent, de feuilles. L’agoraphobie gagnait tout et tout essayait de décamper. Il n’y avait que nous pour rester. Cela me mettait dans tous mes états mais, en même temps, je me sentais heureux, calme. Ma vie reposait dans la paume d’une puissance qui n’était pas de ce monde, qui ne dépendait ni des hommes ni de leurs caprices, mais de quelque chose de bien plus grand, de plus ancien et de plus profond que nous. Je respirais l’odeur de boue.

    L’angoisse qui habite parents et grands-parents confère, dans une certaine mesure, une toute-puissance aux enfants : eux ne partagent pas cette angoisse. Enfant, on se laisse emporter par la sensation de l’inconnu, dans l’abîme qui s’ouvre et est aspiré entre la vie des grands et la nôtre, poussé par la force ténébreuse et imperceptible de ce reptile noir et glacé. Dieu de la métamorphose, Protée, débarque ; ce soir, il a passé un habit ample, tout à l’heure, il redeviendra plante, mauvaise herbe, lamier ou encore serpent. Mais ce soir, il est eau, le désir le tient sous son emprise, il s’allonge dans les squares comme un doux violeur. C’est la nuit au cours de laquelle les cerbères hurlent dans le lointain, et la préhistoire gagne la terre ferme en rampant. Il n’y a plus de rive de l’autre côté si ce n’est au-delà de l’horizon, mais l’horizon est noir et invisible dans la nuit. Tout à l’heure, les éclusiers vont découvrir le premier homme, boule de glaire, cellules cherchant à prendre forme dans le sable.

    Mon cœur bat la chamade. Je pense aux bateaux qui naviguent de jour, aux chalands poussifs qui passent et sur lesquels un batelier marche à contresens. À cette heure, ils relèvent de l’inimaginable. On ne peut se les représenter que sur une rivière délimitée par ses rives. Or la rive opposée a été emportée, est effacée, enfouie sous la reptation de la neige qui, comme l’eau, slurp !, se fraye un chemin jusque devant notre porte. Les bateaux sont-ils amarrés ? Percutent-ils des maisons ? La place de la quille est au fond de l’eau, celle du toit dans le ciel. Mais voilà que, comme sur ton tout premier dessin, les ancres sont à vau-l’eau.

     

    Cette nuit-là, pendant que tout le monde dormait, je suis allé me poster derrière la porte d’entrée. Je savais qu’il y avait au moins trente centimètres d’eau de l’autre côté. La tentation de l’ouvrir était quasi irrépressible. Le contraire d’une neige immaculée attendait d’entrer : pourquoi ne pas ouvrir la porte ? Entre donc, dieu fantasque, dieu de la métamorphose, viens-tu de loin ? Entre donc, nuit de Noël, plus belle que les jours. Hérode supportera ta lumière.

    J’ai ouvert la porte. Ou plutôt : j’ai voulu ouvrir la porte. Mais, sans faire de bruit et avec une force inexplicable, la clenche m’a échappé des mains, quelque chose a percuté ma tête ; les jambes mouillées, je suis tombé à la renverse, une bouffée d’air, un souffle a été aspiré dans la maison, il heurtait déjà la porte de la cuisine. Derrière moi, celle de la cave a cédé. L’eau a déferlé au sous-sol, bouteilles et bocaux se sont entrechoqués, puis des voix ont retenti à l’étage, d’abord celle de mon père, ensuite la voix cassée des femmes. Avant d’avoir pu réagir, je me suis retrouvé plaqué contre la première marche de l’escalier, dans une mare de boue et de froid. Mon père a bondi par-dessus moi, a essayé de refermer la porte. Impossible. Derrière, dans la maison, montait comme un bruit de succion, des slurps ; ce qui arrivait devant la porte ne pouvait faire autrement  que s’insinuer à l’intérieur à la suite de ce qui venait d’entrer. On aurait dit qu’il y avait foule dehors. Quoi que mon père entreprît, il ne réussissait pas à contenir la masse qui exerçait une pression. Poussant des jurons, mon grand-père est arrivé à la rescousse. Bientôt, moi aussi j’ai poussé, non sans glisser, cette porte redoutablement accueillante. Au bout d’un long moment, on est parvenu à la refermer. Le mouvement s’est interrompu ; on a allumé – seulement à ce moment-là, comme si il eût été inconcevable de le faire tant que le grand corps flasque et noir – cette anguille géante et noire qui serpentait en descendant les marches avant d’aller se répandre dans la cave – se coulait à l’intérieur de la maison. Ah ! Guilledou ma Grande Anguille, me suis-je dit, t’es donc rentrée à la maison ? Mais ma mère pleurait sans bruit. Les yeux en feu de mon grand-père perçaient des trous dans ma peau. Mon père ne disait mot. C’était peut-être ce qu’il y avait de mieux à faire. La porte de derrière refusait de s’ouvrir ; la seule chose que nous pouvions entreprendre, c’était d’évacuer un peu cette mélasse par la cave. On a mis de l’eau à chauffer sur la grosse cuisinière brune après avoir attisé les dernières braises avec du bois jusqu’à ce que le feu reprenne. On a récuré, dans le plus grand silence. La maison puait la fange. Les tapis n’étaient plus que des masses noires informes. Le papier peint se détachait des plinthes. Ce spectacle me ravissait, mais je restais en même temps frappé de stupeur par la réaction de mes parents. En moi, deux choses se scindaient, deux choses qu’il m’allait être difficile par la suite de réunir : la sensation ardente qui me transformait et les remords éprouvés à la vue de l’effet néfaste que cela avait sur les autres. Ravissement et repentir.

    Le lendemain, le ciel était d’un bleu dur. Bleu acier, balayé de froides traînées lumineuses et blanches ; un soleil en guise de néon.

    Dans la cave, presque toute l’eau s’était retirée par le puisard – ouverture pratiquée dans la terre, dans un angle, par où l’eau qui s’infiltrait pouvait d’habitude s’évacuer. Dans le jardin aussi, l’eau disparaissait peu à peu, pour partie dans le sol, pour partie dans le lit de la rivière d’où, en rut, battant des flancs, elle avait, dans la nuit, tout submergé. Une respiration ralentie se ratatinait pour retourner à son quotidien. Mais restait la boue. Ce jour-là, on m’a dispensé d’aller à l’école. Il fallait évacuer la boue de partout. L’après-midi, je me suis risqué dans le jardin sur mes béquilles qui s’enfonçaient. Partout, dans la boue noire et les flaques au bleu singulier, j’ai vu des dizaines de formes nager, diaphanes comme des larves, grêles et sans yeux – les âmes aveugles de défunts, d’après mon oncle. Mais j’avais une meilleure explication. Il s’agissait de l’innombrable progéniture de Guilledou mon Anguille, petits rentrés au bercail au cours de la nuit. Vers le soir, ils disparurent dans la terre, dans les rigoles menant au canal, serpentant comme des filets d’eau pure et se mouvant en direction de la rive – bord qui peu à peu formait à nouveau une délimitation avec l’élément liquide. En regardant de l’autre côté, je vis là aussi peu à peu une rive réapparaître. Les choses redevenaient mesurables, la terre ferme et son contraire.

    Un après-midi que l’on n’attend pas, voilà le vrai paradis quand on est enfant. Le temps semblait s’être arrêté, le jardin était à la fois méconnaissable et familier. J’ai passé tout cet après-midi à trébucher d’un côté et de l’autre dans la boue, à la recherche de Guilledou et de sa parenté. J’ai essayé de pêcher un certain nombre de larves diaphanes dans ma vieille bassine. Mais elles m’échappaient, aussi fuyantes que des âmes dans l’éther, que des gouttes d’eau dans une flaque. Le ciel s’est couvert. Le bleu s’est écarté des dernières flaques, des gouttes se sont mises à tomber dans les reflets de ma tête que je tenais au-dessus de miroirs liquides et mouvants.

    (Naar Merelbeke, p. 51-55)

     

    (trad. D. Cunin)

     

  • Poètes en revue

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    Action Poétique & la poésie néerlandaise

    premier inventaire

     

     

     

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    Ruud Meijer, Parijs Verplicht
    (photo: Karel Appel & S. Vinkenoog, par Ed van der Elsken)

     

     

     


    Dans Parijs Verplicht (Paris, passage obligé, Thomas Rap, Amsterdam, 1989), livre consacré aux années parisiennes des écrivains et artistes néerlandais de l’après-guerre (1945-1970), on trouve, à égale dis- tance de la deuxième et de la troisième de couverture qui reproduisent un dessin de Hugo Claus, un cahier photos de 16 pages. La première photo proposée au lecteur, prise au début des années 1950 rue de la Tombe-Issoire - chez l’essayiste Rudy Kousbroek (1929-2010) à moins que ce ne soit chez l’écrivain sud-africain Jan Rabie (1920-2001) –, montre six personnes : Rudy Kousbroek lui-même, connu entre autres pour avoir donné une traduction des Exercices de style, le poète fantaisiste Simon Vinkenoog (1928-2009), sa compagne de l’époque (l’Américaine Rory Warschauer), le poète et prosateur expérimental Bert Schierbeek (1918-1996), la peintre deluyphoto1.pngécossaise Majorie Wallace (1925-2005) qui épousa Rabie en 1955, et un jeune homme au bouc : Henri Deluy. C’est quelque temps plus tôt, par une fin d’après-midi de 1950, dans le café Reynders de la Leidseplein d’Amsterdam que ce dernier avait fait, par l’inter- médiaire de celle qui allait devenir son épouse - Anna Maria van Soesbergen (1927-2007) - la connaissance d’un groupe d’artistes néerlandais à peine plus âgés que lui : Lucebert (1924-1994), Gerrit Kouwenaar (né en 1923), Rudy Kousbroek, Remco Campert (né en 1929), Bert Schierbeek (1918-1996), Jan G. Elburg (1929-1992)… Il deviendra l’ami de certains, reverra à l’occasion les autres, tant en Hollande qu’à Paris - le Mabillon leur servant plus ou moins de QG - où la plupart d’entre eux vivront plusieurs années, voire plusieurs dé- cennies.

    couvHolstDeluy.pngAvec sa femme néer- landaise et le franco- phile Dolf Verspoor (1917-1994), le natif de Marseille - qui a entre temps publié à La Haye une plaquette de poésie Titr’animal agrémentée de linos de Harry Dis- berg (1951) - va bientôt faire ses premières armes de traducteur : en 1954 paraît chez Seghers, dans la collection « Autour du monde », Par-delà les chemins. Le volume comprend un choix de pièces de quatre recueils : Voorbij de wegen (Par-delà les chemins, 1920), De wilde kim (L’Horizon sauvage, 1925), Een winter aan zee (Un hiver à la mer, 1937) et Onderweg (En route, 1940) de celui qui est considéré à l’époque, aux Pays-Bas, comme « le Prince des poètes », le chantre de la solitude : Adriaan Roland Holst (1888-1976), membre majeur de la génération de 1910 aux côtés de J.C. Bloem, P.N. van Eyck et Geerten Gossaert, autant de talents qui se sont épanouis sous le patronage de l’une des grandes figures du « Mouvement de 1880 », Albert Verwey, un fidèle de Stefan George. Ami de tous les poètes, Roland Holst «reste à l’écart des disputes littéraires, élaborant une œuvre où se fondent les plus hautes tendances de la sensibilité néerlandaise», précise le texte de présentation. Les traducteurs ajoutent qu’ils auront atteint leur but si leur travail «contribue à attirer l’attention sur la poésie néer- landaise tellement ignorée en France». Ils entre- prennent d’ailleurs d’autres efforts en ce sens.

     

    Les 80 ans d'Adriaan Roland Holst


    La même année, en effet, Henri et Anna Maria col- laborent à une petite anthologie trilingue, La Hollande lyrique, publiée sous les hospices du Comité Central du Centre P.E.N. des Pays-Bas qui présente quelques auteurs rangés parmi les Vijftigers (Paul Rodenko, Gerrit Kouwenaar, Hans Lodeizen et Remco Campert - tous traduits par Henri Deluy), mais aussi l’inclassable Gerrit Achterberg (4 poèmes traduits par Deluy). Toujours en 1954, le n° 4 (1ère série) ronéotypé d’Action poétique propose un éventail plus large. On y retrouve, après une présentation de la main du Marseillais, les noms de Roland Holst, Gerrit Achterberg, Paul Rodenko et Hans Lodeizen, mais aussi ceux des Flamand Hugo Claus (1929-2008) et Paul van Ostaijen (1896-1928), des maîtres défunts Herman Gorter (1864-1927), H. Marsman (1899-1940), M. Nijhoff (1894-1953) et J.J. Slauerhoff (1898-1936) ainsi que ceux des jeunes Lucebert et Simon Vinkenoog. Une partie de ces poèmes seront repris dans des numéros ultérieurs de la revue.

    couvAP20.jpgPar la suite, et jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs, c’est surtout la poésie de la génération des Vijftigers (poètes des années 1950), qui retiendra l’attention de Henri Deluy - à l’ex- ception de celle du Flamand Hugo Claus (traduite par d’autres assez tôt), lequel a lui aussi évolué dans les années cinquante au sein de «la colonie hol- landaise» de Paris, époque à laquelle il se réclamait d’Antonin Ar- taud. Avec son épou- se, Deluy donne ainsi 3 poèmes du Zélandais Jan G. Elburg dans le n° 18 d’Action poétique (1962) : «courte autobiographie», «vouloir», «aubade pour normes morales». Puis, en avril 1963, le n° 20 de la revue présente sept poètes expérimentaux des Pays-Bas dont la plupart avaient fait partie du « Experimentele Groep Holland » aux côtés de Karel Appel, Corneille, Asger Jorn… : Lucebert, Kouwenaar, Campert, Schierbeek, Elburg, Vinkenoog et un nouveau venu, Hans Andreus (1926-1977). Ami de longue date de Lucebert, ce dernier, ainsi que l’a révélé son biographe, avait combattu sur le front de l’Est au sein de la légion des volontaires dans la Waffen-SS. Dans ce numéro, Deluy rappelle le parcours de ces poètes «expérimentaux» hollandais dont les premières manifestations remontent à 1945, ainsi que les liens étroits qu’ils ont entretenus avec le groupe CoBrA né fin 1948 au café Notre-Dame. Ils représentent « la cassure avec les formes reçues de la poésie néerlandaise. Tout l’apport moderne en poésie, Dada et le surréalisme, l’expressionisme allemand et Maïakovski, le marxisme et la psychanalyse, faisant irruption dans ce domaine clos qui semblait n’avoir pas été touché, pour l’essentiel, par les boule- versements de la poésie mondiale après la guerre de 1914-18 ». Le passeur en profite pour redonner quelques traductions de poètes qui lui sont chers et qui sont chers à cette génération des années 1950 – alors encore très peu lue en Hollande –, à savoir le sensitiviste et marxiste Herman Gorter, le patient psychiatrique et meurtrier Gerrit Achterberg, le leucémique Hans Lodeizen. Pour six de ces poètes expérimentaux, Deluy a sélectionné deux poèmes ; Lucebert tient son rang d’ « Empereur des Vijftigers » avec cinq poèmes.

     

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    Action poétique, n° 91, printemps 1983

     

    Pendant un quart de siècle, Deluy poète, traducteur et éditeur va parcourir et visiter d’autres contrées. En août 1974, il offre tout de même sa collaboration à une petite anthologie dans le cadre de la Biennale Internationale de Poésie de… Knokke-Heist : Deux générations de poètes Néerlandais 1950-1970 (on y retrouve les noms de Gerrit Kouwenaar, Bert Schierbeek et Jan G. Elburg). Au printemps 1983, sous le titre « avec Cobra », il consacre la quasi intégralité du n° 91 d’Action poétique aux « Poètes Expérimentaux des Pays-Bas », s’en tenant presqu’exclusivement aux années 1948-1954. Sur le modèle de la couverture (de Frédéric Deluy) inspirée d’un dessin de Lucebert, certaines pages sont agrémentées d’illustrations et de montages d’artistes de la mouvance CoBrA (Karel Appel, Corneille, Jan Cox). Cette fois encore, il s’agit, pour ce qui est des traductions, d’un travail à quatre mains avec Anna Maria. Une place est accordée à deux poètes décédés: Jan Hanlo (1912-1969), dont l’œuvre moins en vue, moins expérimentale, se distingue par une touche romantico-humoristique, et Paul Rodenko (1920-1976), considéré comme un précurseur des Vijftigers et à qui l’on doit une anthologie de la poésie d’avant-garde (Nieuwe griffels, schone leien, 1954), laquelle a joué un grand rôle dans la reconnaissance de la nouvelle génération.

    Jan Elburg

    JanElburgphoto.jpgS’il a été proche de Jan G. Elburg et Lucebert, Deluy s’est également senti beau- coup d’affinités avec le Frison Bert Schierbeek. Dès 1954, la plaquette Het bloed stroomt door (le sang coule) publiée à Amsterdam (éd. De Bezige Bij) et illustrée par Karel Appel, proposait sa traduction française des quatre poè- mes de ce petit ensemble. Le Hollandais, qui s’était dans un premier temps af- firmé comme auteur de romans «compositionnels», sera invité au Centre littéraire de Royaumont en avril 1989 puis à la première Biennale des Poètes (novembre 1991). Ces échanges aboutiront à la parution de deux recueils en traduction : Formentera (Formentera, 1984; Luzarches, Les Cahiers de Royaumont, n° 20, 1990) et La Porte (De deur, 1972; Paris, Fourbis, 1991). Le n° 125 d’Action poétique et le recueil de la Biennale (Une autre anthologie) proposent également quelques poèmes de Schierbeek («John Akii Bua» et «Coquelicots»). Entre 1992 et 2009, un seul autre poète d’expression néerlandaise a participé à la Biennale (l’édition de novembre 1997), une femme, la dendrographe amstellodamoise Esther Jansma dont on peut lire cinq poèmes dans l’anthologie Noir sur blanc (Fourbis, 1998, trad. D. Cunin). L’an passé, ce fut au tour de Saskia de Jong d'être invitée aux manifestations de la Biennale.


    C’est vers le milieu des années 1990, suite entre autres à un séjour à Oegstgeest, près de Leyde, où il rencontre de jeunes auteurs, que l’intérêt de Henri Deluy pour la poésie néerlandaise va connaître un nouvel élan. De fait, ces dix dernières années, Action poétique a accordé une jolie place aux nouvelles générations tout en s’attachant à rappeler le rôle des dadaïstes et des expérimentaux. Cette évolution a été rendue possible grâce, entre autres, à la collaboration de quelques poètes et traducteurs et au soutien du NLPVF (rebaptisé depuis cette année Nederlands Letterenfonds), l’organisme amstello- damois qui promeut depuis une vingtaine d’années la littérature néerlandaise à l’étranger – on n’est plus en effet à l’époque où l’on pouvait, comme Edmond Jaloux, écrire : «l’ignorance générale où l’on est à l’égard de la langue néerlandaise ne lui permet pas une large diffusion : il est vrai que les pouvoirs publics n’ont jamais rien fait pour qu’elle fût connue».

     

    Un rapide survol

     

    couvAP156.jpgn° 156 (automne 1999) : hommage à Lucebert à travers le poème que Kouwenaar a dédié à son ami défunt, en regard d’un fac-similé du peintre-poète et, sous le titre «Poètes néerlandais, au- jourd’hui», un dossier de 75 pages proposant un choix de textes de douze poètes nés dans les an- nées 1950 ou 1960 dans une traduction de Pierre Gallissaires et Jan H. Mysjkin. Ce n’est pas tout: un peu plus loin, une quinzaine de pages sont consacrées à Paul van Ostaijen dans lesquelles le rédacteur en chef livre quelques-unes des traductions qu’il reprendra en 2001 dans une anthologie de l’œuvre de ce poète expressionniste majeur des Flandres : Nomenclature (Farrago). L’ensemble est présenté entre une photo de Rotterdam en couverture (par Jan H. Mysjkin), et des deuxième, troisième et quatrième de couverture reproduisant des poèmes visuels de Van Ostaijen.

    couvAP171.jpgn° 171 (mars 2003): à l’occasion du Salon du Livre 2003 qui a cette année-là deux invités d’honneur, les Pays-Bas et la Flandre belge, Henri Deluy se joint les services de Kim Andringa, Erik Lindner et Éric Suchère pour confectionner un dossier « Cinq poètes néerlandais aujourd’hui » (Martin Reints, Tonnus Oosterhoff, Jan Baeke, Frank Koenegracht et Erik Lindner). La com- plicité entre Erik le Hollandais et Éric le Français - bientôt épaulés par Kim Andringa - a d’ailleurs permis la réalisation de plusieurs projets éditoriaux. Ce n° 171 offre en quatrième de couverture la recette de l’erwtensoep, c’est-à-dire la soupe de pois cassés, plat traditionnel hollandais que l’on consomme en particulier lors du réveillon du Nouvel An.


    couvAP181.jpgn° 181 (septembre 2005) : ce numéro intitulé Dada Da accorde une place à Theo van Doesburg et Paul van Ostaijen (2 textes théoriques traduits par Kim Andringa, agrémentés de fac-similés de poèmes visuels) ainsi qu’à Lucebert (le poème «Arp» traduit par Henri Deluy). Relevons la présence d’un petit portrait du collectionneur, artiste et essayiste hollandais Paul Citroen (1896-1983), dessiné par Walter Mehring.

    couvAP182.jpgn° 182 (décembre 2005) : nouvel hommage à Luce- bert, cette fois à travers un échange de lettres d’Éric Suchère et Erik Lindner, et l’un des poèmes les plus célèbres de l’empereur des Vijftigers, «lettre d’amour à notre épouse suppliciée indonésie» (trad. Kim Andringa). Sans oublier la couverture qui reproduit un dessin du peintre-poète. Par ailleurs, toujours dans une traduction d’Andringa, on peut lire pour la pre- mière fois en français Tsead Bruinja (né en 1974) qui écrit aussi bien en frison qu’en néerlandais.

    couvAP185.pngn° 185 (septembre 2006) : ce numéro comprend un dossier sur la poésie belge réalisé par Jan Baetens et Rossano Rossi et présenté par Jean-Pierre Verheggen : «Belges et Belges» ; hormis Baetens qui écrit en français, on dénombre cinq auteurs Flamands: Peter Holvoet-Hanssen (poèmes tirés du recueil Strombolic- chio), Paul Bogaert («Dis- cours»), Jan Lauwereyns («Le moustique tigré asia- tique»), Peter Theunynck («Avis des Panamerican Airlines & C°») et Dirk van Bastelaere (choix de poèmes du recueil Plus loin en Amérique) (trad. Reine Meylaerts, Elke de Rijcke, Jan Baetens et Daniel Cunin)

    couvAP189b.pngn° 189 (septembre 2007) : on retrouve Éric Suchère et Erik Lindner ainsi que Kim An- dringa pour un dossier de 22 pages sur Hans Faverey. Né à Paramaribo en 1930, et décédé à Amsterdam en 1990, ce dernier considérait ses poèmes comme des créa- tions autonomes, des «exer- cices de détachement» nés de l’angoisse de la mort. Suchère signe un «petit récit anec- dotique d’une découverte», Lindner «32 notes» sur la vie et l’œuvre de Hans Faverey. Suivent six séries de poèmes en traduction.

    couvAP191-192.jpgn° 191 & 192 (mars-juin 2008) : dans ce numéro double, le rédacteur en chef rend hommage à celle qui lui a permis de découvrir la poésie et les poètes néerlandais, mais aussi, «au tout début des années cinquante, ce que pouvait être la lecture et l’écriture» : Anna Maria van Soesbergen, disparue peu avant. Ainsi peut-on lire trois poèmes de Lucebert («Rêve», «Sommeil», «O tempora o mores») et un poème de Paul Rodenko («Statue», dans une version différente de celle parue dans le n° 91) traduits par la Néerlandaise des décennies plus tôt.

     

     

     

    O tempora o mores

     

     

    après tant de morts rien de bon ou de mieux

    maintenant que la distance a réduit le gros tas

    en taupinière à l’horizon

    l’espoir de vivre peut à nouveau tuer le doute

     

     

    ou alors le doute redevient un luxe ou l’habitude

    fixer le soleil baisser les yeux pour voir

    le jour brûler en une courte nuit

     

     

     

    couvAP193.jpgn° 193 (septembre 2008): l’ «Ensemble Hannah Höch» de ce numéro comprend une présenta- tion de la femme de lettres néerlandaise Til Brugman (1888-1958), compagne de l’artiste allemande pendant une dizaine d’années. De cette représentante de la mou- vance Dada en Hollande, on peut découvrir cinq poèmes visuels et un autre, dédié à son amie plasticienne, dans sa ver- sion néerlandaise et deux versions françaises, la première de Saskia Deluy (fille d’Anna Maria van Soesbergen et d’Henri), la seconde de Kim Andringa, devenue pour ainsi dire incontournable (elle est par ailleurs l’une des rares à traduire de la littérature frisonne).

    couvAP198.jpgn° 198 (décembre 2009) : cette fois, un dossier «Six poètes néerlandophones». La deuxième de couver- ture annonce la couleur en reproduisant une œuvre de Hendrik Nicolaas Werkman - à qui l’on doit entre autres la revue The next call -, artiste mort sous les balles d’un peloton d’exécution alle- mand le 10 avril 1945. On retrouve ce typographe et graphiste expressionniste un peu plus loin dans l’article du poète et plasticien brugeois Renaat Ramon: «Constructivisme & dada, Van Doesburg / Werkman, De Stijl, Mécano et The Next Call : l’avant-garde aux Pays-Bas», texte rehaussé de poèmes de I.K. Bonset (pseud. de Theo van Doesburg) et d’œuvres de H.N. Werkman. Par ailleurs, sous le titre «Des craquelures dans l’émail», Erik Lindner propose un aperçu de la poésie néerlandaise des années 2000. Suit un choix de l’œuvre de six poètes dans une traduction de Henri Deluy et Kim Andringa. Hormis Erik Lindner, il s’agit d’auteurs (certains sont aussi des compositeurs) qui ont percé en Hollande et en Flandre au cours des dix dernières années : Arnoud van Adrichem, Rozalie Hirs, Saskia de Jong, Ruth Lasters, Els Moors et Samuel Vriezen. Dans ce numéro, la poésie néerlandaise ne s’arrête pas là : elle remplit la quatrième de couverture avec la dégustation du hareng nouveau et la recette du hutspot (hochepot) :

     

    couvAP198c.png

     

     

    Cette attention accrue portée à la poésie batave depuis 1999 va conduire Henri Deluy à confectionner, avec une poignée de traducteurs, un mets de résistance qui devrait voir le jour sous peu : Poètes néerlandais de la modernité (1880-2010). Cette anthologie offrira un panorama de la poésie des Pays-Bas à travers près de trente poètes dont la moitié environ ont déjà figuré, à une date plus ou moins récente, dans Action poétique. En 2005, l’amour jamais démenti du Français à l’égard de l’œuvre de Lucebert avait d’ailleurs abouti à la publication d’Apocryphe (Le bleu du ciel, 2005, traduit en collaboration avec Kim Andringa) qui regroupe les premiers recueils du plus grand des Vijftigers (les œuvres complètes sont sept fois plus épaisses).

    poème de P. van Ostaijen (4e du n° 156)

    couvap156b.pngLe présent inventaire, aussi exhaustif que pos- sible, montre que le rédacteur en chef d’Action Poétique a surtout gardé le regard rivé au-delà des fleuves (Rhin, Meuse, Waal). Il l’a tout de même posé à quelques reprises sur la Flandre, en par- ticulier pour revenir sur les traces du célèbre poète et théoricien Van Ostaijen, pionnier du modernisme dans sa contrée, emporté à l’âge de 32 ans par la tuberculose. Aucune revue en France n’a accordé autant de place à cette poésie septentrionale. La poésie hollandaise - et flamande - reste encore en grande partie méconnue dans notre pays, mais un cap a sans doute été franchi ces dix dernières années, et on observe une tendance similaire pour ce qui est du genre romanesque.

    couvHoogtijlangddeseine.jpgTrès prochainement doit paraître aux Pays-Bas un ouvrage assez épais : Hoogtij langs de Seine (éditions Atlas), du peintre et baroudeur Diederik Stevens, une histoire des « Grandes heures » des écrivains et artistes néer- landais sur les bords de la Seine entre 1948 et 1968. Autrement dit, Parijs verplicht revisité et étoffé. Dommage simplement que l’auteur ait omis d’interroger l’un des témoins privilégiés de cette époque alors même que la voix de la plupart des Vijftigers s’est tue, nous laissant autant de « secondes bleues dérobées pour un plus tard ».

     

     

    Daniel Cunin

     

     

    Ce texte propose une version revue et augmentée de l'article qui a paru dans Action Poétique, n° 200, juin 2010, p. 131-136.

     


    Jeudis littéraires, par Pascale Casanova, 2 juillet 1998, France Culture

    Avec Pascal Boulanger et Liliane Giraudon

     

     

  • De la traduction de Freud

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    Une escapade

    en langue allemande

     

    Peut-on traduire Freud sans le trahir ? Rencontre avec François Robert, philosophe, traducteur, enseignant à Paris-XIII et Jean-Claude Capèle, traducteur de Mon analyse avec le professeur Freud d'Anna G. (Aubier).

     

    Réalisé à la Fnac Paris St-Lazare le 26 avril 2010

     

     

     

     

     

  • Hiver hollandais

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    Un poème d’Anna Enquist

     

     

     

    couvenquist1.png

     

    Romancière qui conquiert de plus en plus de lecteurs en France grâce aux traductions publiées aux éditions Actes Sud, Anna Enquist a aussi à son actif un certain nombre de recueils de poésie. Si l’ine- xorable écoulement du temps et la relation mère-enfants forment la toile de fond d’une grande partie de ces poèmes – plus encore depuis la mort accidentelle de sa fille en 2001 –, d’autres reflètent son amour de la musique ou portent sur des sujets « légers », par exemple… le football, une autre de ses passions. Enquist se produit souvent tant aux Pays-Bas qu’au-delà des frontières avec Ivo Jans- sen; tandis qu'elle lit certaines de ses œuvres, le pianiste interprète des pièces de Chopin, Schumann, Debussy... Leur collaboration a débouché sur la publication de deux petits volumes de poésie accompagnés d’un CD. Quelques poèmes d’Anna Enquist ont paru en traduction française dans la revue Septentrion (n° 1, 1996; n° 2, 2001; n° 3, 2003; n° 1, 2009), dans l'anthologie Le Verre est un liquide lent (Farrago, 2003) ou encore dans Europe, n° 909-910, 2005. Celui qui suit, bien que très court, restitue tout un univers de sensations, de sons,  d’impressions visuelles, familier à tout Hollandais. Les onze villes dont il est question sont une allusion au quasi mythique Elfstedentocht.

     

     

     

    WINTERDAG

     

    Mijn zoon was zeven jaar; zijn schaatsen

    waren veel te groot. Wij zagen vissen en

    een kikker onder ijs, suisden langs riet,

    langs elf verzonnen steden, aten bevroren

    chocola en zaten op de wal. Wij vonden

    in het veen een potscherf. Heel de wereld

    lag helder en droog aan onze voeten.

     

     

     

     

    JOUR D’HIVER


    Mon fils avait sept ans ; ses patins étaient

    bien trop grands. On a vu sous la glace

    des poissons, une grenouille, rasé roseaux et

    cités imaginées, onze, mangé du chocolat

    gelé, on s’est assis sur la terre ferme. Dans la tourbe,

    on a trouvé un tesson de pot. Le monde entier,

    limpide et sec, s’étendait à nos pieds.

     

     

     

     

     

    L’œuvre poétique d’Anna Enquist

    (la liste ci-dessous comprend plusieurs anthologies)

     

    annaenquist3.jpgSoldatenliederen (Chants de soldats), Amsterdam, De Arbeiderspers, 1991.

    Jachtscènes (Scènes de chasse), Amsterdam, De Arbeiderspers, 1992.

    Een nieuw afscheid (Un nouvel adieu), Amsterdam, De Arbeiderspers, 1994.

    Kerstziekte (Maladie de Noël), gravure sur bois C. Andriessen, Apeldoorn, De Witte Mier, 1994 [édition bibliophilique].

    Voel je de wind? (Tu sens le vent ?), Amsterdam, Thomas Rap, 1995 [édition bibliophilique].

    Klaarlichte dag (Plein jour), Amsterdam, De Arbeiderspers, 1996.

    De gedichten, 1991-2000 (Les Poèmes, 1991-2000), Amsterdam, De Arbeiderspers, 2000.

    De tweede helft (La Deuxième mi-temps), Amsterdam, De Arbeiderspers, 2000.

    Hier was vuur: gedichten over moeders en kinderen (Ici un feu brûlait. Poèmes sur les mères et leurs enfants), Amsterdam, De Arbeiderspers, 2002.

    De tussentijd (L’Intervalle), Amsterdam, De Arbeiderspers, 2004.

    Alle gedichten (Tous les poèmes), De Arbeiderspers, 2005.

    Kerstmis in februari: de vroege gedichten (Messe de Noël en février : premiers poèmes), Amsterdam, Singel Pockets, 2007.

    Drie gedichten, (Trois poèmes), litho Sam Drukker, Hilversum, Uitgeverij 69, 2007 [édition bibliophilique].

    Nieuws van nergens (Nouvelles de nulle part), Amsterdam, De Arbeiderspers, 2010.

     

    Recueils en traduction

    Ein neuer Abschied (Un nouvel adieu), trad. Gregor Seferens, Munich, Luchterhand, 1999 [édition bilingue allemand/ néerlandais].

    The fire was here: poems about mothers and children, traduction et introduction David Colmer, New Milford, CT, Londres, The Toby Press, 2003 [édition bilingue anglais/néerlandais].

     

     

    « Winterdag » est extrait du recueil Hier was vuur qui rassemble des poèmes paru antérieurement dans De gedichten 1991-2000 et De tweede helft.

     

  • Un romancier populaire du XIXe siècle

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    Jacobus Jan Cremer

    (1827-1880)

     

     

     

    J.J. Cremer, photo : M. Verveer

    Cremer5.gifConsidéré de son vivant comme le Dickens néer- landais, J.J. Cremer, qui délaissa palette et pinceaux pour se vouer à l’écriture, devint l’un des premiers auteurs de son pays à vivre de sa plume (et des conférences qu’il donnait en tirant profit de la grande popularité dont il jouissait). Outre des poèmes et des pièces de théâtre, il a signé nombre de nouvelles et de romans historiques et sociaux, pour la plupart édifiants et rédigés dans une langue en partie dialectale. Ce dernier aspect a disparu des nouvelles qui ont paru en traduction française dans la collection la Nouvelle Bibliothèque populaire (1888), « Tante Dine » et « Mie-au-Berceau » (Wiege-Mie, 1853), regroupées sous le titre Intérieurs hollandais. Scènes villageoises. Charles Simond s’est sans doute chargé de ce travail de transposition alors qu’André Carl avait donné en 1861 (H. Casterman, Paris-Tournai, rééd. 1877 et 1887) un choix de nouvelles : Scènes villageoises du pays de la Gueldre.

    Les œuvres de  J.J. Cremer ont été réunies en quatorze volumes (1877-1881). Peu avant sa mort, l’écrivain publia en revue cinq Lettres de Nice datées de mars 1879 : piètre voyageur, il s’était rendu sur la Côte d’Azur où l’une de ses filles, tout juste mariée, était tombée gravement malade. Ces pages gaies furent réunies en une plaquette avec un récit situé à Monte-Carlo : Monte Carlo. Brieven uit Nizza (1880). Il s’agit de petits textes pleins d’allant et d’humour. L’auteur y exprime son amour des paysages et de la végétation qu’il découvre après un long voyage de nuit en train, son émerveillement devant le spectacle qu’offre dès début mars la région niçoise ou encore devant la taille du bouquet (1, 30 m de diamètre !) confectionné pour la cantatrice Mlle Ciuti qui interprète le rôle d’Aïda. Il séjourne dans l’hôtel que gère M. Platel. De sa chambre, il voit l’animation sur les ponts qui relient la place Masséna à la place Charles-Albert (c’était donc juste avant que le Paillon ne soit en partie couvert). Le 23 mars 1879, le Néerlandais se rend en curieux à la basilique Notre-Dame où un avis annonçait : « Dimanche à trois heures et demie, un sermon de charité sera prêché par sa Grandeur Monseigneur l’évêque de Nice, pour les besoins du Diocèse et en particulier pour l’œuvre si importante des vocations ecclésiastiques » ; là, il est estomaqué par l’apparat de la cérémonie et la magnificence des costumes, par le gros « diamant » qui brille au doigt de Mgr Mathieu Balaïn, premier évêque français de la ville. L’auteur de Fabriekskinderen (1863), nouvelle sociologique dénonçant la condition Cremer6.jpgfaite aux enfants dans les usines qui sera à la base d’une réforme législative, est choqué de voir le prélat demander de l’argent à ses ouailles pour l’Église « nécessiteuse ». Le Haguenois d’adoption paraphrase non sans drôlerie le sermon tenu par un homme surtout soucieux d’assurer la formation du clergé, mais qui, si l'on en juge par sa biographie, n’ignorait pas forcément le petit peuple.

    Mgr Balaïn

    Toujours dans une langue succulente et sur un ton badin, J.J. Cremer rapporte quelques faits divers, par exemple les aventures d’un jeune couple d’amoureux, Rosa Chiaperro et Philippe Loudello dont le père est condamné à dix jours de prison pour avoir volé le foulard de sa future bru. L'écrivain nous entretient encore des Régates peu réussies – le mémorable feu d’artifice qu’il décrit se déroule dans sa tête et malheureusement pas dans la réalité –, si ce n’est que le vainqueur parisien porte un patronyme batave: M. d’Outhoorn ! De fait, cet événement avait dû être reporté de quelques jours en raison des conditions météorologiques, de fortes pluies et un vent très violent ayant fait leur apparition : « Un temps du diable, m’sieur ! ». Pendant ce temps, la vie continue : « Arrestation. M. Pierre G...., le jour de la Mi-Carême, se dit : Il pleut, mais c’est pas une raison pour ne pas se divertir un peu ; si on se mouille à l’extérieur, il faut réagir et s’humecter à l’intérieur. […] Il a tant réagi que la réaction ne s’est terminée que le lendemain au violon », rapporte Le Progrès de Nice. Bientôt, notre chroniqueur assiste avec joie à la Bataille des Fleurs : « Nice vit par ses fêtes, lui confie un habitant. En été, nous avons même une fête des Boiteux et Bossus ! » J.J. Cremer ne peut terminer son évocation de la ville que Louis Couperus appellera « la sultane blanche » sans s’ar- rêter sur « la seule grande figure artistique que Nice a jamais compté » : le peintre Carle van Loo, « fils d’un menuisier hollandais ». 

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    C. van Loo, Esquisse pour les Grâces de 1763,

    CMA, Los Angeles

     

    Dans Monte-Carloqui s’ouvre par ces mots français: « Cet enfer de Monaco ! », l’écrivain mêle pour ainsi dire récit et nouvelle. Il décrit les choses avec enthousiasme, mais se dit choqué d’apprendre qu’on se livre deux fois par semaine, dans cet endroit où mythes et légendes se côtoient, à une activité aussi prosaïque et cruelle que le tir au pigeon. Ensuite, il nous invite à passer la journée avec lui dans ce lieu de perdition qu’est le Casino. La nuit tombée, alors que l’orage fouette la gare où les joueurs malchanceux attendent le dernier train (celui de 23h12) et les poursuit une fois qu’ils sont à bord du rapide (le «sneltrei» de l’époque), Jacobus Jan Cremer nous prépare à assister au suicide d’un homme qui a perdu toute sa fortune. Sa jeune épouse enceinte le reverra-t-elle vivant ?

    Si la majeure partie des écrits de cet auteur sans doute trop prolifique nous semble aujourd’hui bien mièvre, on ne peut lui dénier une certaine aisance à peindre personnages et paysages en quelques touches rapides. Quand on lit ses pages consacrées à la Côte d'Azur, on regrette qu’il n'ait pas quitté plus souvent sa contrée natale. Dans la littérature de son pays, il a surtout laissé une trace grâce à ses nouvelles campagnardes ou pastorales. Plusieurs de ses contemporains l’ont décrit comme un homme doué d’un rare talent d’orateur et d’une capacité extraordinaire à imiter la voix et la mimique de dizaines de ses amis et connaissances ainsi que l’attitude d’animaux comme le cerf, le cheval ou le chien.

     

    Cremer7.png

    J.J. Cremer, Œuvres complètes, T. 13,

    qui contient Brieven uit Nizza & Monte-Carlo

     

     

    Les références bibliographiques relatives à la brochure publiée par Henri Gautier en 1888 étant soit lacunaires, soit fautives, nous reproduisons ci- dessous la page de couverture ainsi que la notice biographique et littéraire due (certainement) à Charles Simond.

     

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    bibliographie de J.J. Cremer : ICI

     

    Hommage